L'Assemblée générale des Nations unies a adopté le 16 novembre un amendement visant à retirer la préférence sexuelle des motifs de condamnation des exécutions injustifiées, parmi lesquels elle figurait depuis 1999.
Cette référence, qui visait notamment à lutter contre les exécutions d'homosexuels, est désormais remplacée par « raisons discriminatoires de n'importe quel motif ».
L'Assemblée a voté cette modification lors d'un projet de résolution sur les exécutions extrajudiciaires (n'ayant aucun fondement juridique ou n'ayant pas fait l'objet d'un procès) des Etats. Tous les deux ans, les représentants des Etats se réunissent et redéfinissent les motifs des exécutions qu'ils jugent sommaires, arbitraires ou injustifiées.
L'amendement contesté a été déposé par le Maroc et le Mali au nom du groupe africain, du groupe arabe et de l'Organisation de la conférence islamique (OCI). Au total, 79 pays l'ont approuvé (dont la Russie, seul pays européen), contre 70 qui y étaient opposés.
Cette résolution peut influencer les législations à venir
Cette résolution n'est pas contraignante, mais le travail de la commission des droits de l'homme est de faire progresser le droit des minorités. Ce faisant, elle doit être précise pour éviter les vides juridiques et les confusions. Cet amendement du Mali et du Maroc vise à entretenir la confusion sur un point qui était depuis 1999 bien précisé.
Pourquoi avoir retiré la seule préférence sexuelle des cas particuliers ? Pourtant, la résolution contient toujours des cas injustifiés très précis :
- les enfants des rues
- les minorités nationales, linguistiques, religieuses
- les personnes défendant les droits de l'homme (comme les journalistes ou les avocats)
- etc.
Interrogée par Rue89, Christine le Douaré, présidente du Centre LGTB Paris-Ile-de-France considère que c'est une régression majeure du droit international.
« L'intérêt de retenir le motif de l'orientation sexuelle, c'est que l'on condamnait explicitement les crimes homophobes. Désormais il sera de plus en plus difficile d'assurer la protection des minorités homosexuelles. »
Stéphane Crouzat, porte-parole de la mission permanente de la France aux Nations unies, déplore cette décision.
« Nous regrettons que l'Assemblée générale ait renoncé à confirmer ce motif, cette année. Alors que de nombreuses personnes continuent d'être victimes de meurtres et de violences en raison de leur orientation sexuelle. »
Même si cette résolution n'est pas contraignante pour les états-membres, elle peut influencer les législations à venir. Pour Mathilde Chevalier, membre de la commission LGBT d'Amnesty International :
« Le fait que le Mali soit également à l'origine de l'amendement est cependant étonnant. C'est un pays dans lequel on a noté peu de cas de pénalisation de l'homosexualité. »
Une dépénalisation universelle de l'homosexualité fragilisée
Ce « retour en arrière » intervient dans un contexte toujours aussi difficile pour les homosexuels. Plus de 70 pays, recensés dans cette carte de l'Ilga, pénalisent toujours l'homosexualité, et dix pratiquent la peine de mort pour des motifs sexuels.
Un projet de loi en Ouganda prévoit par exemple de lourdes peines de prison pour des condamnés homosexuels et la peine de mort pour les récidivistes. N'importe quel citoyen pourra également être condamné à trois ans de prison s'il n'a pas dénoncé une relation homosexuelle à la police dans les vingt-quatre heures.
Cette résolution, loin de faire progresser les droits des minorités, vient en plus contredire une déclaration de l'ONU majoritairement saluée. En 2008, 66 pays avaient appelé à la dépénalisation universelle de l'homosexualité.
source : http://www.rue89.com