Petit schéma pour rappeler le fonctionnement, avec les personnalités d'aujourd'hui
A quoi sert le Parlement européen ?
A l'origine de la construction européenne, il n'est pas excessif de répondre que, assemblée composée de parlementaires nationaux et sans réel pouvoir, il ne servait à rien. Depuis lors, beaucoup a changé. En 1962, il a adopté son nom : "Parlement européen". En 1979, il a conquis sa légitimité avec l'élection au suffrage universel direct. Depuis 1992, avec le traité de Maastricht puis davantage encore avec les traités qui ont suivi, il a été doté de réels pouvoirs politiques et de contrôle.
Quel est le rôle du Parlement européen ?
En premier lieu, il peut adopter des résolutions, c'est-à-dire des textes qui ont une portée politique mais pas juridique. C'est le premier pouvoir dont il a disposé. C'est celui dont il use encore aujourd'hui. Pour s'inviter dans l'actualité, notamment sur des questions relatives aux droits de l'homme et à la démocratie. Pour défendre sa vision de l'avenir de l'Europe - le célèbre projet fédéraliste adopté en 1984 et connu sous le nom de "projet Spinelli" était une résolution. Pour peser sur la Commission en l'invitant à prendre des initiatives législatives - puisque c'est un monopole dont elle dispose - ou en exerçant une pression sur une négociation en cours - par exemple, récemment, après la révélation des écoutes de la NSA, sur ce que l'on appelle l'accord Swift qui concerne l'échange de données bancaires entre les Etats-Unis et l'Union européenne pour lutter contre le financement du terrorisme. Ce pouvoir de résolution existe dans la plupart des Parlements nationaux... mais il n'a vraiment retrouvé droit de cité dans la Constitution de la Cinquième République qu'en 2008 !
En deuxième lieu, le Parlement européen peut contrôler les instances qui se partagent le pouvoir exécutif : le Conseil européen et la Commission. A l'instar des parlements nationaux, les députés européens posent des questions écrites - aux alentours de 10 000 par an -, et des questions orales à la Commission - l'équivalent de nos séances de questions au gouvernement -, constituent des commissions d'enquête aux pouvoirs considérables - celle sur la crise financière de 2009 a été à l'origine de bien des mesures de régulation adoptées depuis lors. La différence avec nos parlements nationaux, c'est que le lien politique entre l'exécutif et le législatif est moins étroit. La conséquence, c'est que le contrôle européen est plus exigeant - en tout cas vis-à-vis de la Commission car il demeure plus embryonnaire vis-à-vis du Conseil européen.
En troisième lieu, le Parlement européen investit la Commission ; il peut aussi la destituer : c'est évidemment une arme de destruction massive - d'autant plus que seule la Commission dans son ensemble et non un commissaire en particulier est visée. Son usage est donc logiquement encadré - plus fortement encore que dans la Constitution française. Encadré par une double majorité : pour renverser la Commission, il faut réunir à la fois "les deux tiers des voix exprimées et la majorité des membres qui composent le Parlement européen". Encadré par un délai : pour éviter un vote d'émotion et laisser le temps de trouver une issue, il faut que s'écoule au minimum 72 heures entre le dépôt et le vote de la motion de censure. Arme de destruction massive, arme encadrée, c'est aussi une arme peu utilisée - comme d'ailleurs dans tous les pays européens, la dernière motion de censure datant chez nous de 1962... Si, juridiquement, elle n'a même jamais été utilisée, la menace de son adoption a été politiquement suffisamment pressante pour que la Commission présidée par Jacques Santer démissionne d'elle-même en 1999. Ce faisant, le Parlement européen dispose sur ce point de plus de pouvoirs qu'aux Etats-Unis et se trouve dans une situation analogue à celle des autres parlements européens - à une différence près, rarement soulignée : il peut destituer la Commission mais nul ne peut le dissoudre.
Si l'on veut résumer d'une formule le pouvoir du Parlement européen, on pourrait dire : puissance politique (il a des pouvoirs et, mieux encore, les utilise) et inexistence médiatique (nul ne sait qu'il a ces pouvoirs et les utilise). Le Parlement européen est un géant à la tête d'argile.
Merci à Gilles Finchelstein, Directeur général de la Fondation Jean-Jaurès pour ces articles éclairants.
Merci aussi à Valérie Auvray chez qui j'ai trouvé ces informations.