Barack Obama va pénétrer aujourd'hui à la Maison-Blanche et va succéder huit années de George W. Bush à la tête des USA. Ainsi, le 43e président des États-Unis achève son mandat en battant tous les records d'impopularité, avec 72 % d'opinions négatives dans le sondage
Gallup /CNN. Seuls Harry Truman, en pleine guerre de Corée, et Richard Nixon, au moment de sa démission consécutive au scandale du Watergate, avaient atteint pareil niveau.
Les historiens de la présidence n'ont aucun doute que Bush prendra place dans la galerie des pires présidents américains.
La seule question dont ils débattent encore est de savoir s'il entrera dans l'Histoire comme quantité négligeable (à l'image de James Buchanan, 15e occupant de la Maison-Blanche de 1857 à 1861, dont la médiocrité avait contribué à précipiter le pays dans la guerre civile), ou comme catastrophe historique, faisant alors de lui le véritable héritier de Herbert Hoover (1929-1933, 31e président) dont les politiques ont précipité la Grande Dépression.
Passage en revue du bilan que Bush léguera à son successeur : 1. L'économie au bord de la Dépression
Bush a déjà écopé du sobriquet George "Hoover" Bush. L'économie est entrée en récession fin 2008 après l'éclatement d'une bulle immobilière et financière qui n'avait pas cessé de gonfler sans que son administration s'en inquiète. À son arrivée à Washington, en 2000, il avait hérité des fruits d'une période de forte croissance sous le double mandat de Bill Clinton.
Le choc des attentats de 2001 l'a poussé à une politique de relance par la baisse des taux d'intérêt, des baisses massives d'impôts et une dérégulation radicale des marchés financiers, conformément au credo libéral du Parti républicain depuis l'ère Reagan. Il a ignoré les mises en garde sur le danger du surendettement des consommateurs, des entreprises et des institutions financières de Wall Street. Et il a repoussé jusqu'à l'été 2008 les appels à ce que le gouvernement fédéral joue son rôle, par conviction idéologique, dans les vertus du marché laissé à lui-même. L'avenir seul dira si le virage à 180 degrés qu'il a pris en fin de mandat, avec la nationalisation de facto de pans entiers du secteur bancaire, des assurances et de l'immobilier, permettra d'éviter que la récession de 2008 ne tourne à une véritable Dépression.
2. La guerre sans fin contre le terrorisme
La présidence Bush aura été marquée au sceau indélébile des attentats terroristes d'Al-Qaeda à New York et à Washington le 11 septembre 2001, la première attaque contre le territoire national de l'histoire du pays. Elle a exposé des lacunes en matière de sécurité nationale, antérieures à son arrivée au pouvoir, et a poussé à la mise en place d'un immense appareil de lutte contre le terrorisme, avec la création du département de la Sécurité intérieure, la plus importante réorganisation du gouvernement fédéral depuis la Seconde Guerre mondiale, et la montée en puissance des services de renseignements et de lutte antiterroriste.
La "guerre contre le terrorisme" s'est accompagnée de dérapages qui ont profondément choqué les Américains, et terni l'image du pays dans le monde, de l'extension de la surveillance électronique à l'intérieur du pays aux détentions extra-légales (sur la base de Guantanamo entre autres), le recours à la torture (Abou Ghraïb), et des violations répétées de la Constitution par un exécutif qui a étendu ses pouvoirs au détriment du Congrès et de la Cour suprême, sous l'influence du vice-président Dick Cheney en particulier.
Elle n'a surtout pas mis fin à la menace du terrorisme islamiste ni empêché al-Qaeda de reconstituer ses bases à la frontière entre le Pakistan et l'Afghanistan. Après avoir chassé les "talibans" du pouvoir à Kaboul en décembre 2001, l'administration Bush s'est désintéressée de la situation pour s'engager dans l'invasion de l'Irak, erreur stratégique pour la majorité des experts. L'invasion réussie, et le renversement de la dictature de Saddam Hussein ont débouché sur le fiasco de l'occupation du pays, qui a saigné l'US Army (plus de 4.000 tués et 30.000 blessés) et grevé le budget (le coût des interventions en Afghanistan et en Irak a atteint 1.000 milliards de dollars).
L'opinion publique a basculé en faveur d'un retrait des troupes américaines, qui sera une des priorités du successeur de Bush quel qu'il soit, bien que la mise en oeuvre en 2007 d'une nouvelle stratégie de contre-insurrection ait permis de consolider le nouveau régime irakien et de briser les islamistes extrémistes qui avaient profité de la situation pour y ouvrir un nouveau front dans leur guerre sainte.
3. Un isolement international sans précédent
L'unilatéralisme, dont Bush a fait sa ligne directrice pour lancer la guerre d'Irak, malgré l'opposition aux Nations Unies d'une majorité de ses alliés, partenaires et adversaires, a imposé aux États-Unis un isolement sans précédent. Il a alimenté une vague d'anti-américanisme virulent dans le monde entier. Cet isolement a considérablement compliqué la tâche des États-Unis consistant à prendre la tête de la communauté internationale pour tenter de freiner la prolifération des armes nucléaires (en particulier les efforts de l'Iran pour se doter de l'arme atomique), comme de pousser à un accord de paix au Proche-Orient entre Israël et les Palestiniens, dont l'administration Bush ne s'est vraiment préoccupé qu'en fin de parcours.
La perte d'influence diplomatique américaine a été encore accentuée par le refus de Bush de se joindre aux efforts internationaux pour lutter contre le réchauffement du climat (protocole de Kyoto), comme de faire des concessions dans les négociations sur le commerce mondial dans le cadre de l'OMC (cycle de Doha). Dans sa dernière année, l'administration Bush a tenté de renouer avec ses alliés en Europe, et la crise financière mondiale, précipitée par l'effondrement de Wall Street, a contraint Bush d'accepter les propositions européennes d'engager avant la fin de son mandat une réflexion collective sur la refonte du système financier global.
Pour la grande majorité des électeurs du 4 novembre, une des tâches prioritaires du prochain président sera néanmoins de réparer les dégâts, à l'image et l'influence des États-Unis dans le monde, infligés par les années Bush.
4. Le rêve américain en crise
Les inégalités sociales se sont creusées sous Bush pour atteindre une ampleur que les États-Unis n'avaient plus connue depuis les années 1920. Si la pauvreté n'a pas augmenté, les revenus de la majorité des salariés américains ont stagné, voire régressé, entre 2000 et 2008. Les baisses d'impôts adoptées en 2001 ont pour l'essentiel profité aux 1 % d'Américains les plus riches. L'Amérique moyenne n'a maintenu son niveau de vie et de consommation que par l'endettement et l'allongement de la durée du travail. Mais les coûts de l'assurance-maladie et de la scolarité des enfants n'ont cessé d'augmenter. Aujourd'hui, à la fin de l'ère Bush, une majorité d'Américains dit ne pas croire que leurs enfants auront une vie plus confortable que la leur, et ils ne croient pas qu'ils verront se réaliser le "rêve américain".
Aucune des réformes jugées nécessaires pour désamorcer les "bombes à retardement" budgétaires qui menacent le gouvernement fédéral de faillite à l'horizon 2050, la Social Security (assurance retraite), le Medicare (assistance médicale aux retraités) et le Medicaid (couverture médicale universelle), n'a été engagée sous les huit années Bush. Plus de 42 millions d'Américains restent dépourvus de toute assurance-maladie et le nombre augmente rapidement, les entreprises étant de moins en moins en mesure d'en assurer une à leurs employés.
Le déficit de l'État fédéral et la dette publique ont explosé pendant l'ère Bush, sous l'effet accumulé des baisses d'impôts, des guerres à l'étranger, de l'extension du gouvernement et, tout récemment, des plans d'aide sur fonds publics aux banques et institutions financières menacées d'effondrement. Le président lègue à son successeur un déficit annoncé pour 2008-2009 de 1.000 milliards de dollars, et une dette qui devrait dépasser les 10.000 milliards de dollars.
La réforme de l'immigration a été abandonnée par Bush face à l'hostilité de la droite de son propre parti, alors que l'afflux d'immigrés clandestins est une source de tensions croissantes dans de nombreuses régions du pays, et qu'elles risquent de s'exacerber du fait de la crise économique et sociale.
L'absence totale de réaction à la destruction de La Nouvelle-Orléans par l'ouragan Katrina en 2005 restera enfin comme emblématique de l'incompétence devenue notoire d'une administration conservatrice où le copinage et l'alignement idéologique ont été les critères principaux de recrutement et de promotion.
5. Le Parti républicain en perdition
Élu sur décision contestée de la Cour suprême en 2000, la réélection de Bush en 2004 avait été annoncée comme la garantie de la consolidation de l'"ère Reagan" d'hégémonie politique de la droite conservatrice sur la politique américaine. Au lieu de quoi, W. restera aux yeux des conservateurs comme le fossoyeur du reaganisme, et peut-être du GOP (le Grand Old Party, Parti républicain) qui risque de connaître, après lui, une longue traversée du désert.
Le parti a perdu en 2006 la majorité qu'il détenait au Congrès depuis 1994, et il est menacé d'une débâcle électorale le 4 novembre, malgré tous les efforts de ses candidats pour prendre leurs distances avec Bush. Cette défaite annoncée s'accompagne d'une profonde désorientation idéologique, qui est la conséquence de la débâcle de l'idéologie conservatrice face à la crise économique, le seul point commun entre les diverses factions républicaines étant le rejet du bilan de George W. Bush.
Les dates importantes des années Bush : Mars 2001, le protocole de Kyoto
Le 13 mars 2001, George W. Bush refuse de ratifier le protocole de Kyoto, pourtant approuvé par l'administration Clinton, qui prévoit de réduire les gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement climatique. Bush a depuis réaffirmé son opposition à l'accord, «une mauvaise politique» selon lui. Il prône des objectifs individuels, librement fixés par chaque pays. Ainsi, il se targue d'avoir réduit les gaz à effet de serre de 12% aux Etats-Unis. Le prix Nobel de la paix remporté par Al-Gore, devenu défenseur acharné de l’environnement, ont cependant provoqué une prise de conscience dans le pays et même au-delà.
11 Septembre 2001, les attentats du WTC
Quatre avions sont détournés par des kamikazes d'Al-Qaida afin de frapper le World Trade Center à New York et le Pentagone à Washington. Plus de 3.000 personnes trouvent la mort dans ces attentats, l'Amérique est sous le choc et le monde avec elle. Rapidement, les soupçons se portent sur Oussama ben Laden, réfugié en Afghanistan. Obsédé par la sécurité, le Congrès adopte le 26 octobre 2001, le «Patriot act», qui vient renforcer le pouvoir des autorités et limite les libertés individuelles en autorisant la surveillance des communications par téléphone et sur internet.
7 octobre 2001, l'offensive en Afghanistan
L'armée américaine et les forces de l'OTAN lancent l'opération «Enduring freedom». L'offensive vise à renverser le régime des talibans, au pouvoir depuis 2001 et accusés de soutenir Oussama ben Laden. Mais, sept ans plus tard, le chef d'Al-Qaida n'a toujours pas été capturé et les insurgés afghans mènent la vie dure aux forces de la coalition internationale. Plus de 70.000 soldats étrangers se trouvent actuellement sur le sol afghan, et des pays comme les Etats-Unis ou la France y ont envoyé en 2008 de nouveaux renforts.
Janvier 2002, ouverture de Guantanamo
En décembre 2001, George W. Bush autorise la détention sans limite et sans chef d'accusation des «combattants illégaux», formule qui désigne ceux qui auraient combattu avec les talibans ou Al-Qaida. C'est sur la base militaire de Guantanamo Bay, enclave américaine à Cuba, que les premiers prisonniers sont transférés à partir de janvier 2002. Ils ne bénéficient pas de la protection de la convention de Genève sur le traitement des prisonniers de guerre. Certains, libérés depuis, parlent de tortures évoquant des coups, des privations sensorielles, ou bien encore des simulacres d’exécutions.
19 mars 2003, la guerre en Irak
Aux lendemains des attentats du 11-Septembre, l'Irak, avec l'Iran et la Corée du nord, est accusé de soutenir le terrorisme et de chercher à acquérir des armes de destruction massive. Rapidement, le pays, qui vit sous la férule du dictateur Saddam Hussein, est considéré comme un danger majeur pour les Etats-Unis, qui décident d'y mener une guerre «préventive». La victoire militaire n’est qu’une formalité, et Saddam Hussein est arrêté puis exécuté. Mais le pays sombre dans le chaos et les affrontements confessionnels ensanglantent le pays. Même si aujourd'hui, un calme précaire semble être revenu, cette offensive, déclenchée sans mandat des Nations unies, est un désastre.
29 Août 2005, le cyclone Katrina
Le passage du cyclone Katrina -suivie de Rita- dans le sud du pays provoque des dégâts considérables: près de 1.500 morts, 77.000 logements endommagés. Les autorités fédérales et l'administration sont rapidement mis en cause pour leur incurie. Une commission d’enquête de la Chambre des représentants mettra d’ailleurs en cause la Maison Blanche aussi bien que les autorités locales, dénonçant leur passivité. Aujourd’hui, moins d’un logement sur trois a reçu les fonds nécessaires à sa reconstruction, et près de la moitié de la population, soit 240.000 personnes environ, ne sont pas retournées chez elles.
Septembre 2008, crise économique
La fin du mandat de George W. Bush aura été marquée par la crise des subprimes, qui a entraîné les Etats-Unis puis le monde vers une récession économique généralisée. Beaucoup d'économistes estiment que Bush a aggravé la situation, en obéissant absolument, huit ans durant, aux principes libéraux du Parti républicain.
D'après : http://www.lepoint.fr et http://www.20minutes.fr