Claude Guéant a assuré mercredi (25 mai 2011) devant les députés que deux tiers des enfants d’immigrés quittent le système scolaire sans diplôme. S’il a corrigé le tir après avoir affirmé dimanche (22 mai 2011) que "les deux tiers des échecs scolaires, c'est l'échec d'enfants d'immigrés", le ministre de l'Intérieur semble toujours se baser sur des chiffres qui n’existent pas.
Cet article de Rue89 montre l'inexactitude de ses propos :
Invité sur Europe 1 le 22 mai, le ministre de l'Intérieur Claude Guéant a abordé le thème de l'échec scolaire des enfants d'immigrés en France sous un jour très personnel. Il s'est laissé allé à une démonstration à l'emporte-pièce, sans étayer ses idées par le détail et moins encore par des données établies. Il a déclaré :
« Contrairement à ce qu'on dit, l'intégration ne va pas si bien que ça. Le quart des étrangers qui ne sont pas d'origine européenne sont au chômage, les deux tiers des échecs scolaires, c'est l'échec d'enfants d'immigrés. »
Claude Guéant persiste et signe
Il a répété cette démonstration à l'Assemblée nationale, invitant à lire le dernier rapport (en PDF) du Haut conseil à l'intégration (HCI) :
« Deux tiers des enfants d'immigrés se trouvent sortir de l'appareil scolaire sans diplôme. » (Voir la vidéo)
La France interdisant les statistiques ethniques, plaçons les faits énoncés par le ministre en parallèle avec le rapport Pisa (en PDF) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), rapport le plus récent sur le sujet.
« Deux tiers des échecs scolaires, c'est l'enfant des immigrés », annonce-t-il. D'après les sources fournies par l'OCDE, la France compte 13% d'élèves de familles immigrées, soit 87% d'élèves de familles autochtones. Le graphique ci-dessous montre le pourcentage d'élèves qui n'ont pas atteint le niveau 2 de l'indice Pisa selon leur origine.
Cette étude est menée avec les enfants de 15 ans, et « niveau 2 », niveau « à partir duquel les élèves commencent à démontrer qu'ils possèdent les compétences en compréhension de l'écrit qui leur permettront de participer à la vie de la société de manière efficace et productive ».
D'après ce graphique, 18% (des 87%) des enfants d'autochtones et 38% des enfants d'immigrés sont sous le niveau 2 qui correspond, selon le ministre, à une situation d'échec scolaire.
Deux tiers d'enfants d'immigrés en échec ? Non, un quart
La France compte donc 15,7% (18% de 87%) d'enfants de 15 ans issus de familles
autochtones sous le niveau 2 et 4,9% d'enfants de 15 ans issus de
familles immigrés (38% de 13%) sous le niveau 2.
Donc sur les 20,6% de « sous-niveau 2 » nous n'avons pas deux tiers mais plutôt un quart d'enfants d'immigrés.
L'étude de l'OCDE date de 2009, n'est pas exhaustive et ne donne qu'un instantané de la situation actuelle de l'éducation pour ses pays membres. Mais il s'agit du seul indicateur plus ou moins crédible existant pour mettre en relation l'échec scolaire et l'immigration comme souhaite le faire M. Guéant.
Derrière la stigmatisation simpliste basée sur des erreurs de calculs, le ministre de l'Intérieur élude certaines conclusions du rapport de l'OCDE qui prône :
« Les politiques ciblées sur les performances peu élevées, indépendamment du milieu socio-économique des élèves, qu'elles visent les établissements peu performants ou les élèves peu performants en leur sein, selon la mesure dans laquelle les performances médiocres se concentrent ou non dans certains établissements.
[…] Les politiques ciblées sur les enfants défavorisés, qu'il s'agisse de leur proposer des programmes de cours spécifiques ou de leur accorder une aide financière ou des moyens pédagogiques supplémentaires. »
D'après les conclusions de l'OCDE, l'échec scolaire dépend avant tout :
- des établissement dans lesquels les élèvent étudient ;
- du contexte socio-économique (en accord sur ce point avec le rapport du HCI) ;
- de la qualité de l'enseignement dispensé dans ces lieux de scolarisation.
Et bien avant l'immigration, l'OCDE explique l'échec scolaire par :
- la suppression des postes dans l'Education nationale ;
- le fait de livrer en pâture les enseignants non expérimentés dans des zones difficiles ;
- et le fait de ne pas encourager la mixité sociale dans ces établissements.
Ce rapport de l'OCDE contredit aussi la thèse selon laquelle des taux élevés d'immigration se traduiront inéluctablement par un recul de la performance des systèmes d'éducation.
source : http://www.rue89.com