Article de Frédéric Durand paru dans l'Humanité
La défiscalisation des heures supplémentaires pour relancer le pouvoir d’achat a de plus en plus de mal à convaincre.
« Travailler plus pour gagner plus » : six mois après, le slogan de Nicolas Sarkozy n’incarne plus grandchose pour le monde du travail. La défiscalisation des heures supplémentaires, mesure phare du projet, peine à trouver preneur. Christine Lagarde, ministre de l’Économie et des Finances, s’est même résignée à appeler à la rescousse Alain Tapie, ancien directeur général délégué de l’UNEDIC, lui imposant un tour de France des régions, afin de délivrer le mode d’emploi d’un dispositif qui devrait grever le budget de l’État de plus de 6 milliards d’euros en année pleine. Un cinquième du budget de l’emploi.
Destinée, selon le gouvernement, à redonner du pouvoir d’achat aux salariés, la réforme, qui prévoit l’exonération totale des charges patronales et salariales sur les heures supplémentaires, risque d’emblée d’exclure intérimaires et travailleurs en contrat à durée déterminée. De plus, elle incitera les entreprises à augmenter les volumes d’heures supplémentaires plutôt qu’à embaucher ces travailleurs précaires. Le travail sera moins partagé encore qu’il ne l’est. De l’autre côté du spectre, les cadres, qui se voient comptabiliser non pas des heures mais des journées de travail (sur la base de 228 jours par an), pourront travailler plus mais ne connaîtront aucune majoration sur ce temps supplémentaire. Quant aux milliers de salariés dont le temps de travail est annualisé, leur sort reste inconnu puisque rien n’est prévu dans l’application du dispositif.
Le pari de Nicolas Sarkozy de voir ces exonérations relancer la croissance est risqué. La faiblesse du gain en pouvoir d’achat attendu de la mesure et la morosité économique du contexte ne laissent guère de place à l’optimisme. D’ores et déjà, et même si aucune heure supplémentaire ne vient s’ajouter aux 900 millions déjà réalisées annuellement par les Français, il faudra tout de même défiscaliser ces dernières. Les 6 milliards engagés par la réforme viendront alors grossir les déficits publics et alourdir le coût de la dette.
Au sein même du patronat, la mesure ne satisfait pas. Trop complexe dans sa mise en oeuvre, pas très efficace économiquement. « Le dispositif mis en place va dans le bon sens. Mais a-t-il assez de force, assez d’intensité pour qu’il y ait des effets significatifs et rapides ? Je ne suis pas certaine », affirmait, mercredi, Laurence Parisot, patronne du MEDEF, devant des journalistes de la presse économique ; avant d’ajouter : « Si j’additionne les assouplissements antérieurs plus cet assouplissement, on arrive à de telles usines à gaz que c’est rébarbatif. C’est là que je me demande s’il ne faut pas accepter de mettre sur la table la question de la suppression de la durée légale du travail. » Dans ce cas, les heures supplémentaires ne poseraient effectivement plus de problème.