Publié dans Paris-Normandie du 4 mars 2006
Le chikungunya provoque des douleurs articulaires terribles, mais c’est à croire qu’il a aussi paralysé le gouvernement français.
Un an après l’apparition du virus à la Réunion, le Premier ministre est arrivée cette semaine dans l’île meurtrie. Quel moustique a donc piqué les autorités de notre pays pour qu’enfin elles semblent prendre la mesure de la catastrophe humaine, économique et écologique qui se déroule à l’île de la Réunion ? En fait, il semble urgent de dissiper le parfum de scandale. Car de la gestion de la crise, on retiendra surtout jusqu’ici la volonté de camoufler l’ampleur de l’épidémie et la sous-estimation systématique de ses conséquences tant pour l’homme que pour le pays.
Jusqu’à aujourd’hui, le nombre officiel de personnes atteintes par le mal reste outrageusement inférieur aux estimations du corps médical sur place. Jusqu’au vénérable président de l’ordre des médecins de la Réunion qui avance le nombre de 260 000 malades quand François Baroin, ministre de l’Outre-Mer, n’en repère que la moitié.
Voici plus de 5 mois, le 13 octobre 2005, le Parti communiste réunionnais (PCR) par la voix du conseiller général Éric Fruteau constatait que face à l’épidémie de chikungunya, "les services de l’État ont failli à leur mission de protection de la santé publique". Et de déplorer que "non seulement il n’y a pas eu de déclin pendant l’hiver austral, mais cela risque de repartir de plus belle pendant l’été". Un constat fait en présence des médias réunionnais.
Dans son édition du 23 décembre, le quotidien “Témoignages” notait que "le 13 octobre, face à la gravité de l’épidémie, le PCR en appelait déjà à la responsabilité de l’État, et le 19 octobre, la sénatrice Gélita Hoarau écrivait une première lettre en ce sens au ministre de l’Outre-mer François Baroin et une autre lettre le 10 novembre au ministre de la Santé Xavier Bertrand. Le 27 octobre et le 30 novembre, c’est le Conseil général qui alertait l’État".
Ces alertes des élus communistes sont restées lettres mortes jusqu’à la médiatisation du chikungunya. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le gouvernement n’a pas vu venir ou voulu voir venir cette crise sanitaire majeure.
Paul Vergès (PCR), président du Conseil régional, n’est pas seul à parler de “ dix mois perdus ”. Ce sont des médecins qui interrogent : pourquoi une aussi longue inertie ? “ Pourquoi projeter sur les Réunionnais la responsabilité de la propagation du virus alors que les choses dès le départ n’ont pas été prises au sérieux par les autorités ? ”
Depuis l’île, on observe les précautions prises pour contrer la grippe aviaire, les décisions qui suivent immédiatement la progression de l’épizootie. Le parallèle est édifiant : mieux vaut être poulet en métropole que créole sous les tropiques.
D'après le texte trouvé sur le site : http://www.pcf.fr