Le programme dévoilé par François Bayrou ne contient pas de véritable surprise. Il reste, de fait, largement prisonnier d’une vision conservatrice de la société française et du centre de gravité politique des notables et des élus de l’UDF.
Sur le plan du droit du travail et de l’emploi
François Bayrou reprend globalement le diagnostic et les propositions de Nicolas Sarkozy. Il n’est pas question d’abroger le CNE. Il s’agit à travers les développements des heures supplémentaires de travailler plus pour gagner plus. En outre le schéma de relance de l’emploi emprunte aux sentiers traditionnels :exonérations de charges sociales, suppression des cotisations sociales qui entraîneraient une multiplication des effets d’aubaine et de substitution sans conséquence sérieuse ni positive pour l’emploi. Sa préoccupation en matière de démocratie sociale reste largement formelle et ne touche pas à la réalité de l’entreprise.
François Bayrou se contente de généralités sur la nécessité de la reconquête industrielle comme s’il n’avait pas pris la mesure de la gravité de la situation : 350 000 emplois industriels perdus en 5 ans. Ces ambitions en matière de recherche et d’innovation restent limitées au regard de l’ampleur du retard accumulé.
Sur le terrain budgétaire et fiscal
Le candidat de l’UDF propose un retour à une orthodoxie budgétaire stricte. La recherche de l’équilibre du budget de fonctionnement à tout prix renvoie à une logique bien concrète de réduction du nombre d’agents publics et d’amenuisement du rôle du service public. Sans un mot sur les nécessités d’une croissance forte et durable, le candidat centriste propose tout simplement une cure de désendettement sans aucune contre partie et sans aucun amortisseur. Cette conduite déboucherait très vite, à la fois, sur une croissance encore plus atone et des conflits sociaux. L’objectif d’une politique économique ne peut se limiter au désendettement même s’il reste nécessaire. La recherche de la croissance maximale, la reconquête de l’équilibre du commerce extérieur sont des ambitions au moins aussi légitimes et nécessaires. Leur réalisation peut d’ailleurs permettre de réduire le poids de la dette comme l’expérience de la période 1997/2002 l’a démontré. L’amorce d’un cercle vertueux, croissance, emploi durable, réduction des déficits et de la dette, reste la meilleure solution.
D’autant que, dans le même mouvement, François Bayrou préconise le maintien du bouclier fiscal à 60 %, et l’extension des exonérations fiscales sur les successions. Nous sommes là en présence de propositions proches des recommandations fortement clientélistes du candidat de l’UMP. Nous sommes surtout face à une politique financière et fiscale particulièrement injuste.
En termes de protection sociale
Le candidat de l’UDF inquiète à la fois par ses propositions et ses impasses. Il recommande une remise en cause explicite de la CMU au profit d’un système dit « personnalisé et proportionnel au revenu » ainsi que l’introduction d’un système de retraite par capitalisation, puisque relevant d’une logique à points. Parallèlement, le discours de François Bayrou reste évanescent sur la gravité de la situation de l’hôpital public ou sur l’importance de la montée en puissance de la dépendance liée au vieillissement attendu de la population. D’une manière générale, le programme de l’UDF mésestime l’ampleur de l’urgence sociale et sanitaire. Il traduit une méconnaissance de la réalité sociale : 7 millions de personnes sous le seuil de pauvreté, et 13 % de la population renonçant à se soigner pour des raisons financières.
Dans le domaine de l’éducation
François Bayrou prône avec talent le statu quo. Il annonce une intention louable de « diviser par deux l’échec scolaire et multiplier par deux la réussite scolaire ». Mais il ne dit pas comment et ne dit rien de consistant sur l’organisation du système éducatif, l’enseignement professionnel, la carte scolaire ou le devenir des ZEP. Il y a quelques mesures ponctuelles (l’implantation de classes d’excellence dans les zones fragiles, création de structures scolaires de secours, présence de « volontaires » adultes dans les établissements), mais cela ne fait pas une politique.
Sur le terrain de l’environnement
Il reprend à son compte le pacte de Nicolas Hulot sans objectif concret, se contentant d’un simple appel au moratoire à propos des OGM ou d’une attitude ambiguë sur l’avenir de la PAC.
Au plan européen
François Bayrou présente un plaidoyer conforme à la vision traditionnelle de sa famille politique. Il demande la présentation rapide d’un nouveau Traité. Il reste, en revanche, extrêmement discret sur tout ce qui relève du fonctionnement et des objectifs de la Banque Centrale Européenne. Cette timidité rejoint ses propositions de retour à une orthodoxie budgétaire d’inspiration libérale.
En matière institutionnelle
François Bayrou demande la mise en place d’une VIème République par voie référendaire. Son projet reste proche de celui que nous développons dans le projet socialiste. Il relève avant tout, d’une volonté affichée de réhabilitation du Parlement. Toutefois, son annonce, de mettre en place un scrutin proportionnel pour 50 % des sièges à l’Assemblée Nationale, sans autre précision, laisse craindre une réelle difficulté à gouverner, faute de majorité nette et stable. En effet, le programme de l’UDF ne précise pas si ce recours à la proportionnelle s’effectue dans un cadre départemental ou régional. Nous risquons, à défaut d’avancer vers une VIème République, de renouer avec une IVème République marquée par l’instabilité. Interdire aux grands groupes privés qui vivent des commandes de l’État de posséder des médias se trouve dans le Pacte présidentielle de Ségolène Royal.
En conclusion
Le candidat de l’UDF se montre incapable de présenter une troisième voie dépassant le clivage droite/gauche. Il s’inscrit sur tout le champs économique et social dans une démarche libérale, avec des recettes proches de celles énoncées par Nicolas Sarkozy pour ce qui concerne l’emploi et la fiscalité. Ce ne sont pas les gadgets relatifs notamment à la réduction de 20 % des dépenses de l’Elysée ou à la suppression de l’ENA remplacée par une école formant des agents publics en matière d’administration publique qui pourront faire illusion. François Bayrou ne dispose pas de perspective stratégique parce qu’il n’a pas de programme réellement alternatif à l’UMP. Sa référence à l’introduction d’un mode de scrutin à moitié proportionnel traduit à elle seule la faiblesse de sa ligne stratégique. Pour l’heure, François Bayrou, admet par là même, qu’il n’a pas de majorité parlementaire en échos à une éventuelle victoire à l’élection présidentielle.