Voici l'essentiel de la déposition publique mercredi 18 janvier devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale de l'huissier de justice Alain Marécaux, une des personnes innocentes dans l'affaire de pédophilie d'Outreau après 23 mois de prison.
"Il y a quatre ans, le 14 novembre 2001, j'étais officier ministériel, huissier de justice à Samer. Le juge Burgaud a fait irruption dans ma vie, je suis resté en prison 23 mois, mon couple a explosé, je n'ai pas vu mes enfants pendant trois ans.
Les autres personnes qui m'accusaient, je ne les connaissais pas, comment je pouvais être là ? Je passe un mois en prison où tous les jours je pense que je vais sortir dans l'heure qui suit, parce qu'en France, on ne peut pas enfermer des gens sans aucune preuve.
En décembre, je suis en confrontation avec mes trois accusateurs. Je me souviens du juge Burgaud, de ce juge arrogant pour qui je n'étais rien et à qui on devait tout.
C'était incroyable ce à quoi j'assistais, ils s'alignaient les uns sur les autres, sur les déclarations de Myriam Badaoui, et on avait ensuite Aurélie Grenon qui en ajoutait un petit peu, et David Delplanque, 'oui amen'.
Bien sûr, ma vie se détruit. Je suis obligé de vendre mon étude, que j'avais mis dix ans à construire, je la vends en une heure de temps. Croyez-moi, les rapaces se sont fait voir à ce moment-là pour acheter une étude en pleine expansion à bas prix.
Nous sommes le 10 janvier 2002. Je suis entendu pour un interrogatoire. Et alors que je suis en geôle, on vient m'annoncer le décès de ma mère. Le 14 novembre 2001, ma mère a arrêté de s'alimenter, de parler.
Ce 10 janvier 2002, qui j'ai devant moi ? Celui que je qualifierais de meurtrier de ma mère, le juge Burgaud, c'est à cause de lui que maman est partie. Pensez-vous qu'il m'aurait proposé de reporter l'interrogatoire, pensez-vous qu'à un moment il aura un sentiment humain, une parole, un geste ? Rien.
Il a l'outrecuidance de me poser la question : qu'est-ce qu'elle fait votre mère ? Quand je réponds : elle est morte, Monsieur le juge, il répond : oui ça, je sais, mais qu'est-ce qu'elle faisait avant ? Le 14 janvier 2002, j'irai à l'enterrement de ma mère en fourgon cellulaire, menotté, entre deux gendarmes.
Cette histoire rocambolesque, c'est le couple Badaoui-Burgaud qui l'a inventée. J'ai essayé de revivre depuis ces quatre ans, tant bien que mal. Mais qu'est-ce qu'il me reste ? Mon couple est détruit, mes enfants sont cassés. (...) J'espère que vous ferez la lumière là-dessus. Merci de m'avoir écouté."
Ce témoignage, comme ceux des autres innocents d’Outreau montre combien la justice peut être inhumaine et briser la vie de nombreuses personnes.