Azouz Begag, ministre délégué à la Promotion de l'égalité des chances a été choqué par les propos du ministre de l'Intérieur sur la banlieue."On ne rétablira pas l'ordre avec plus de CRS" selon M.Begag.
Interview de Azouz Begag dans Libération :
Comment réagissez-vous aux termes de «voyous et racaille» employés par Nicolas Sarkozy à Argenteuil la semaine dernière ?
Je conteste cette méthode de se laisser déborder par une sémantique guerrière, imprécise. Quand on évoque des situations délicates, il faut le faire dans le sens de l'apaisement. Il s'agit de «quartiers sensibles», difficiles, où l'on sent aussi une certaine susceptibilité. Certains sont morts à cause d'insultes. Hier, j'ai entendu qu'il parlait de «vrais jeunes qu'il faut aider». Qu'est-ce que ça veut dire ? Il y a des vrais et des faux jeunes ? De tels propos ne peuvent pas aider à retrouver du calme dans des territoires en surchauffe.
De plus, je regrette de ne pas être associé, quand il y a un dialogue difficile avec des jeunes. A chaque fois que mon collègue (Sarkozy, ndlr) intervient en banlieue même quand il s'agit d'égalité des chances, je ne suis jamais contacté. J'en suis surpris alors que je suis l'un des rares au gouvernement à être légitimé par vingt-cinq ans d'expérience et de travail sur ces quartiers. Quand on nomme un préfet musulman, quand on dit vouloir donner le droit de vote aux étrangers et qu'on envoie des CRS contre les jeunes de banlieues, il y a un décalage. Il faut certes tenir un langage de la fermeté, pour le rétablissement de l'ordre. Mais c'est en luttant contre les discriminations dont sont victimes les jeunes qu'on rétablira l'ordre, l'ordre de l'égalité. Pas en amenant plus de CRS.
Sarkozy voulait déjà «nettoyer au Kärcher» une cité à La Courneuve...
Il faut cesser d'aller avec caméras et journalistes dans ces zones de pauvreté et de susceptibilité. A chaque fois, c'est une provocation. C'est le contraire qu'il faut faire. Il faut prendre le temps de l'écoute, rencontrer ces gens dans la quotidienneté, et l'intimité. Mon avenir à moi ne se situe pas en mai 2007, mais en 2057. Quand j'aurai 100 ans. Je n'ai pas un regard électoral sur ces questions.
Selon Laurent Fabius, Sarkozy «crée un climat terrible» dans les banlieues.
La gauche n'a rien à dire, quand on voit la manière dont elle nous (les enfants d'immigrés, ndlr) a éloignés de la représentation politique. Aujourd'hui profiter de la mort de ces deux jeunes pour se refaire une virginité politique sur la question des banlieues, c'est un scandale.
Qu'attendez-vous du gouvernement ?
Il faut pouvoir dire en tant que ministre : «Je sais que votre gueule, votre nom, votre peau vous rendent la tâche plus difficile. Il faut mettre le paquet pour vous.» Je travaillerai sans relâche pour que les épouvantails de l'immigré, du terroriste, du clandestin, du faux jeune de banlieue, sortent du débat politique et pour qu'on y place la question de l'ascenseur social.En conclusion concernant la politique mené par Nicolas Sarkozy :
Trop fort, trop vite, trop loin. Comme souvent, pour justifier sa politique passée et à venir, Nicolas Sarkozy s'est employé à l'occasion du drame de Clichy-sous-Bois à parler vite pour coller à l'événement.
Lorsqu'il s'agit de banlieue, le président de l'UMP cherche le rapport de force. Il l'avait encore fait sur la Grande Dalle d'Argenteuil où il avait été accueilli par des quolibets et des jets de projectiles. Un rien bravache sous les boucliers-valises en Kevlar, il avait promis aux habitants de la cité de «les débarrasser des voyous» et «de la racaille».
Déjà, se rendant à La Courneuve en juin, à la suite de la mort d'un enfant dans une fusillade entre gangs, Sarkozy avait fait dans la provocation, promettant de «nettoyer au Kärcher» la Cité des 4 000 et toutes celles qui y ressemblent. Au lendemain de sa descente à Argenteuil, il plastronnait encore : «Puisque ma visite a tellement plu, j'y retournerai.» Pour agresser les agresseurs, un peu comme un de ses prédécesseurs à Beauvau, Charles Pasqua, prétendait en pleine vague d'attentats «terroriser les terroristes». Sur TF1, Sarkozy a renchéri, annonçant qu'il se rendrait «chaque semaine dans ces quartiers» afin «d'y ramener la paix» grâce au renfort de «dix-sept compagnies de CRS et sept escadrons de gendarmerie» spécialement entraînés pour l'occasion. Et le ministre enchaîna : «Cela fait vingt ans que l'on tolère l'intolérable !» Pas vraiment le genre de propos susceptibles d'apaiser les tensions sur le terrain.
Cette manière de s'exhiber et de s'exprimer est dictée par les courbes d'opinion. Marqué sur sa «gauche» par Villepin, Sarkozy doit capitaliser à droite, et même à la droite de la droite. Son absence de résultats probants en matière de violences urbaines l'oblige à la surenchère. Comme si l'omniprésence médiatique pouvait faire oublier la remise en cause de la police de proximité et la suppression des subventions aux associations de terrain.M.Sarkozy ne semble savoir répondre que par la répression au problème de délinquance, ne serais-ce pas mieux de créer plus de postes d'éducateurs dans les cités dites "à problème" ?
Liens : http://www.liberation.fr/page.php?Article=335200 ; http://www.liberation.fr/page.php?Article=334988
Interview de moi ! de Azouz Begag (datant de mars 2004) sur : http://hern.over-blog.com/categorie-266436.html
Débat sur :
http://coeur-a-gauche.forumactif.com/viewtopic.forum?p=10617#10617