SDF - Campement St Martin 16-12-06
envoyé par lesenfantsdedonquichotte
Article de Claude Urbanski sur le site http://www.leflambeau.com
Une association « Les Enfants de Don Quichotte » est à l’origine d’une expérience intéressante pour sensibiliser les gens au sort des SDF. La manière : inciter les citoyens à accepter de passer une nuit sous une tente plantée sur un trottoir de Paris pour éprouver (physiquement) une partie du vécu des SDF.
Je mesure mes propos en disant que l’expérience est intéressante car je ne crois pas que la démonstration modifie l’avenir des SDF. Ceux qui se présentent pour tenter cette expérience sont, en effet, volontaires et donc a priori en empathie avec les sans-abri. Quant aux autres qui préfèrent dormir dans leur lit, ils ne sont pas forcément insensibles à la détresse des indigents et préfèrent manifester concrètement leur sympathie par des dons aux associations caritatives. Mais les dons faits aux associations ne suffisent pas.
Le gouffre entre ce qui est reçu puis distribué aux démunis et la misère existante est tout aussi impressionnant sinon plus que celui de la Sécurité sociale. À la différence que nos gouvernants nous rappellent sans cesse « l’infortune » de la Sécurité sociale mais occultent la misère d’un trop grand nombre de leurs administrés. Ils doivent subodorer que voter n’est pas la préoccupation première des nécessiteux d’où leur manque d’intérêt pour cette classe sociale.
Sarko 1er, toujours opportuniste, déclare aujourd’hui que, s’il est élu Président de la République, personne ne dormira plus sous une tente dans deux ans. La promesse de Sarko 1er a été accueillie avec beaucoup de scepticisme mais c’est peut-être un tort. Pour qui l’aurait oublié, Sarko 1er est actuellement Ministre de l’Intérieur.
Pour qui ne l’aurait pas remarqué, Sarko 1er est omniprésent, tant à Paris que sur tout le territoire français. Il me paraîtrait donc surprenant qu’il n’ait pas eu connaissance d’un petit fait divers vieux de tout au plus une trentaine de jours et qui a fait l’objet d’un communiqué de presse indigné de Médecins du Monde le 24 novembre 2006 : “En ce début de l’avant-dernière semaine de novembre, des jeunes, femmes et hommes, en couples ou isolés ont été chassés de la Place de la République par les forces de l’ordre. Quatre tentes qui avaient été distribuées par Médecins du Monde ont été détruites. Gare d’Austerlitz, des sans-abri nous ont prévenus qu’ils devraient décamper la semaine suivante, sans proposition alternative.”
Par ailleurs, je me souviens qu’à une certaine époque, le même Sarko 1er avait promis que les Parisiens ne seraient plus agressés par la vue des péripatéticiennes exhibant leurs charmes sur les trottoirs, ni dérangés par les mendiants faisant la manche dans le métro. Il a tenu parole et j’ignore ce qu’il en est des péripatéticiennes car nous n’avons pas les mêmes horaires de vie, mais pour ce qui est des mendiants, ils commencent tout juste à réapparaître dans le métro après une longue période d’absence. Et pendant toute la période où on ne les a pas vus, je me suis inquiétée de savoir ce qu’ils étaient devenus. Car, s’il était une chose dont j’étais bien certaine, c’est qu’il ne leur avait pas été alloué de miraculeux subsides leur permettant de se loger et de se nourrir sans avoir à quémander.
S’il était une chose dont j’étais bien certaine, c’est qu’il ne leur avait pas été proposé un emploi inespéré (le taux de chômage n’ayant pas été revu spectaculairement à la baisse) leur permettant de se réinsérer dans la société. Disparus, comme par enchantement, ces vieillardes en haillons au visage éteint et ces hommes voûtés au regard fiévreux. Escamotés ces gaillards furtifs marmonnant des imprécations dirigées contre les nantis avaricieux, et ces violoneux et joueurs d’accordéon désaccordé à qui le quidam abandonnait une pièce pour que cesse le martyre de ses tympans.
Subtilisées ces femmes impénétrables avachies dans les couloirs de métro et tenant dans les bras des poupons asthéniques que je m’étonnais de n’entendre jamais pleurer. J’avais donc cauchemardé sur le sort de ces malheureux, les imaginant embarqués, entassés, dans des camions, transportés hors de la ville avec la complicité d’une nuit anonyme pour être déversés comme des détritus en rase campagne, loin du regard de ceux que leur misère offusquait.
Il y a pire que ceux qui promettent et ne tiennent pas parole ; il y a ceux dont on préférerait ne recevoir aucune promesse.
Claude Urbanski